Introduction au droit de l’environnement chinois par Claude Le Gaonach-Bret

Symbole de l’entrée de la Chine dans un processus de construction d’une « civilisation écologique »[1], le Premier Ministre Li Keqiang a explicitement déclaré la guerre à la pollution lors de l’Assemblée nationale populaire de mars 2014.

La force de l’expression utilisée ne pouvait priver cette annonce d’une réforme d’envergure. Le droit chinois de l’environnement allait en effet connaître, un mois après cette déclaration, l’une de ses réformes les plus emblématiques.

Un affermissement sensible de la grande loi de protection de l’environnement de 1979[2] a été adopté dès le mois d’avril 2014 par le Congrès national populaire. Cette réforme est alors venue modifier l’encadrement juridique de la protection de l’environnement par un ensemble de révisions de fonds et, surtout, par la refonte des moyens de mise en œuvre de ces dispositions.

Un tel bouleversement juridique permet aujourd’hui d’identifier deux étapes dans la construction du droit chinois de l’environnement : une étape de création de ce droit suivie d’une période d’affermissement.

La première de ces phases représente l’émergence des dispositions chinoises visant à préserver les ressources naturelles du pays.

La loi de protection de l’environnement, dont le rôle doit être rapproché de celui d’une véritable constitution environnementale, a été adoptée dès 1979 mais est entrée en vigueur dix ans plus tard, le 26 décembre 1989. Ce texte comprend les grands principes du droit chinois de l’environnement, tels ceux d’inclusion des préoccupations environnementales dans les mesures économiques, de fixation de normes maximales de rejets polluants, de prévention des pollutions ou encore la règle du pollueur‑payeur.

La progressive rédaction de la loi de protection de l’environnement a été accompagnée par l’adoption de textes spécifiques, correspondant aux mesures de protection de différentes composantes de l’environnement. A titre d’exemples, la loi relative à la préservation de la qualité de l’air est entrée en vigueur le 5 septembre 1985 tandis que la loi de contrôle de la pollution des eaux est applicable depuis le 15 mai 1995.

Bien qu’ayant déterminé ses objectifs et décrit les principes à respecter, la législation environnementale chinoise souffrait d’importantes lacunes quant à sa mise en œuvre. Le constat de l’aggravation des niveaux de pollutions depuis les années 1970[3] a en effet amené le Gouvernement à procéder à une réforme globale du dispositif législatif.

L’Assemblée nationale populaire, en mars 2014, a ainsi officiellement amorcé le mouvement de réforme du droit chinois de l’environnement. Ce mouvement représente à ce jour la seconde période marquante de cette réglementation.

Dans ce contexte, et en concomitance avec les préparatifs de l’Accord de Paris, le Gouvernement chinois a proposé un texte restructurant les modalités de mise en œuvre du droit de l’environnement, ce, afin d’en accroitre l’effectivité.

La nouvelle loi de protection de l’environnement, dans sa version modifiée en vigueur depuis le 1er janvier 2015, comprend en effet un renforcement des moyens de contrôle du respect des normes environnementales. Cet affermissement se traduit notamment par un élargissement des moyens de contrôle (ouverture du droit de recours aux associations de protection de l’environnement, passage d’une compétence confiée aux provinces à une inspection de niveau national, obligation de publications d’informations environnementales) et la mise en place de sanctions plus diverses et plus sévères (multiplication par dix des peines d’amende en moyenne, possibilité de prononcer des astreintes journalières, de suspendre l’activité provisoirement ou encore de placer l’exploitant en rétention administrative).

Le renfort des moyens de contraintes au sein de la loi de protection de l’environnement a inévitablement provoqué la réforme successive des lois environnementales spéciales.

Par exemple, ont ainsi été réformées la loi relative à la préservation de la qualité de l’air (29 août 2015), la loi de contrôle de la pollution des eaux (27 juin 2017) et la loi de prévention de la pollution causée par les déchets solides (7 novembre 2017).

L’accroissement des mesures de protection de l’environnement a également provoqué l’adoption de règlementations consacrées à de nouveaux champs du droit. Depuis le 1er janvier 2018, les entreprises installées en Chine sont en effet soumises à la loi fiscale de protection de l’environnement[4], laquelle crée une nouvelle charge fiscale proportionnelle à la quantité de rejets polluants induits par une activité. De même, une importante loi visant à définir une obligation de traitement des sites et sols pollués du territoire est attendue pour la fin d’année 2018, laquelle obligera chaque exploitant industriel à s’inquiéter de l’état environnemental du terrain sur lequel il exerce son activité.

On le voit, les réformes actuelles et à venir démontrent la vivacité du droit chinois de l’environnement, lequel évolue vers un encadrement plus intense et plus large des activités économiques présentes sur le territoire.

 

[1] Le terme est officiellement inscrit dans la Constitution chinoise depuis mars 2018.
[2] Il est ici fait référence à la « Environmental Protection Law of the People Republic of China ».
[3] Lors de l’Assemblée nationale populaire de mars 2014, les chiffres officiels annonçaient que l’état environnemental de près de 60% des nappes phréatiques du pays était « pauvre » ou « très pauvre » et que 16% des sols étaient pollués.
[4] La “Environmental Protection Tax Law” a en effet été promulguée par le Congrès le 25 décembre 2016, pour entrer en vigueur le 1er janvier 2018.

 


Télécharger le document
X